LE COLLECTIF


«Je prendrai ce qui m’intéresse dans toutes les disciplines, sans me restreindre. 

Au théâtre, la cérémonie qui réunit les gens, l’intensité des regards.

A la sculpture, la force magique de la matière, les questions d’espace.

A la performance, l’audace et la recherche de nouvelles saveurs, le risque, le danger.

A un concert, son rythme: une succession d’états d’âme ne dépassant pas trois minutes.

Au cirque, son ambition populaire, l’amplitude de ses publics, l’aspect extraordinaire des numéros.

Au haiku, son mandat: servir en trois mots une couleur inédite.

Au tableau vivant son principe: une mise en scène de formes, sans parole, un instantané.»


 

L'HISTOIRE

 

 La recherche conjointe des deux artistes débute en 2013 lors de la performance «PETANQUE» où Marie-Pan va donner son poids pour faire vivre une sculpture conçue par Joseph Kieffer à l’occasion de l’exposition REVERS. 


Dès lors, les deux artistes, ainsi que des acolytes musiciens, se retrouvent sur des actions, des performances, des tableaux qui écrivent le paysage mouvant d’une recherche plastique parfois interactive nommée TOUT EST PARFAIT.


En 2015, une résidence de Joseph Kieffer à l’Oeil de Poisson à Québec, sera l’occasion de créer REFLECTOR, sculpture spécialement conçue pour être dansée. Marie-

Pan Nappey l’accompagne sur une partie de la résidence et le projet spécifique autour des sculptures dansées naît à leur retour en France. Le collectif s’étoffe de plusieurs musiciens dont Jean-Charles Mougel, multi-instrumentiste coutumier des pratiques d’improvisation. 



S’ensuit la mise en scène de LOMBRIC portée par un tandem de batteurs fous. Ce spectacle sera largement soutenu par le TJP, CDN de Strasbourg, au sein du projet Corps-Objet-Image crée par son directeur Renaud Herbin. Ce partenariat donnera lieu à une résidence et à des laboratoires autour de ce projet qui se love au confluant de la danse, du cirque et de la musique live. Réuni sous la casquette de la marionnette contemporaine par l’invitation de Renaud Herbin son principe convoquant la manipulation d’objet.

Différentes sculptures seront mises en scène et jouées dans des environnements très différents tels que des friches, des théâtres, des hangars, en rue, et un projet d’exposition spectacle déambulatoire regroupera la plupart de ces sculptures lors d’un projet mené par la ville de Sélestat en 2016. Ce projet a été documenté par Maxime Marion dans une capsule cliquable ici.  

Fin 2016, l'état de santé de Marie-Pan, la danseuse, ne lui permet plus de performer, le corps médical lui prédit qu'elle ne retrouvera plus jamais la scène. Le projet Tout est Parfait s'arrête. 

En 5 ans, Marie-Pan a traversé la mort, dompté la douleur et apprivoisé la maladie. Aujourd'hui, des plumes ont repoussé sur le goudron des épreuves et elle s'envole à nouveau. Phoenix réfléchissant que personne n'attend, elle illumine ses chorégraphies d'une nécessaire transcendance. Les sculptures ressortent de leurs caisses au fur et à mesure de la réhabilitation du projet. De nouvelles créations autour de sculptures conçues entre temps sont en gestation.


 




Le cahier des charges


Sortir la sculpture d’art contemporain de son écrin statique, exposable et proprement inaccessible par : 

-Le déplacement des champs d’action et des publics peut donner à lire la sculpture comme un personnage, et le corps comme un objet en mouvement.

-L’écriture d’un environnement pour une sculpture qui en soit le prolongement naturel.

-L’élaboration de dispositifs par le biais d'installations dont la force esthétique fait sens en présence d’humains.

-La performance, dans le sens de faire exister des événements dans lesquels quelque chose se produit «pour de vrai ».






Travail de corps et d’objet


Dans le travail initialement engagé par le plasticien et la danseuse, on retrouve la présence d’objets lourds, difficiles à porter et à manipuler, de matières rugueuses, chaudes, molles, cassantes, qui constituent un ensemble de contraintes pour les interprètes.   

Celles-ci sont traitées simplement, vraiment, comme si l’effort ramenait le comédien à l’être humain, comme si la matière supplantait le  jeu. L’interprète donne à voir et à partager ce sentiment trouble qui entoure l’usage de ses mains.

Ce qui importe c’est que le public sente cette tension sensuelle qui existe quand on pousse des formes mobiles, quand on caresse des échardes, quand la peau se retrouve en étau dans les anneaux d'un lombric ou quand la tension des ficelles d'une marionnette éclate. Il n’y a pas d’état d’âme à projeter, juste un «état d’être» et de sentir.

Le fait que les deux porteurs de projet pratiquent et côtoient des disciplines différentes vient nourrir le projet à sa source.  

Pour Joseph, c’est une manière d’explorer les frontières de son rôle de sculpteur que de mettre en scène des objets qui appellent le corps et le  spectacle qu’il compose comme on sculpterait la matière. 

Marie-Pan quant à elle, questionne sens et dramaturgie en manipulant ces objets sensuels dans une tension entre connaissance de la matière et écoute des  propositions de l’oeuvre mobile.

Il y a comme un rapprochement évident entre un faiseur d’objet qui cherche à questionner le corps et un corps pensant qui cherche à se confronter et à apprivoiser l’objet.



Credit photo Maxime Marion 


La composition instantanée 


Dans la lignée de la post-modern dance, le collectif définit son travail comme de la composition instantanée, proche de l’improvisation. Bien que ce dernier terme soit également adapté au travail de la danseuse et des musiciens au plateau, la pratique de la composition instantanée vient mettre un accent aussi bien sur le fait que ce travail exige une préparation spécifique que sur le fait que les actions produites, bien qu’improvisées, soient composées.

Le travail de préparation réside essentiellement en une pratique de conscientisation de l’espace (espace de jeu, rapport scène/salle), de conscientisation des présences (architecture, environnement, êtres vivants), de conscientisation du contexte (politique, sociale, local, général), conscientisation des variables de l’intimité des êtres vivants et particulièrement des artistes en scène. 

De fait ces facteurs pré-cités induisent une modulation plus ou moins marquée de l’objet spectacle, quel qu’il soit.

En composition instantanée, ces facteurs sont la source de représentation et le travail de conscientisation opéré à la fois cérébralement et corporellement en est sa préparation, sa spécialisation.

D’un point de vue du mouvement, du fait de l’amplitude d’action des sculptures qui les amène à se mouvoir d’une façon proche de l’aléatoire, la composition instantanée n’est pas seulement un choix mais plutôt une nécessité.

Les questions qui se posent au contact de ces objets-sculptures et du corps doivent passer par l’expérience du «lâcher-prise». Il y a une question qui se pose entre l’objet, le contact et le corps qu’on ne peut pas plus éluder dans un travail de maitrise que dans un travail d’écriture.

Les musiciens du collectif sont tous des musiciens multi-instrumentistes ayant plus ou moins consciemment cette sensibilité aux facteurs espace, présences, contexte, intime.

Le travail entre les musiciens et la danseuse fait entrer en résonance ses propre assemblages de facteurs et les apparie aux autres productions, les unes influant sans cesse sur les autres afin de former un objet  spectacle unique et vibrant.

C’est le jeu d’une composition d’images fulgurantes, spectaculaires, avec pour matière des corps, des sons et des objets entrelacés, confrontés, percutés. 

crédit photo Gaby Goubet



Le lit du son et de la danse 


La discipline dans laquelle la pratique de l’improvisation est certainement la plus développée est la musique. L’entrainement qu’exige la musique improvisée n’est pas le même que celui qu’exige la musique écrite même s’il existe bien évidemment de nombreux terrains où ils se rejoignent.

Ici, l’appellation composition instantanée prend tout son sens car il ne s’agit plus d’improviser sur une grille avec d’autres musiciens mais bien avec des données de l’ordre de la sensation produites par les même facteurs pré-cités dans le paragraphe précédent et, en l’occurence, particulièrement avec le mouvement de l’objet et du corps en scène. 




Les temps de travail personnels sont dédiés à la technique mais aussi et surtout au travail d’affûtage des sens. Ceux-ci permettent de capter mille et une données  et de les assortir à différentes valeurs dans un éventail au potentiel infini.

Les temps de travail communs aux musiciens et à la danseuse permettent de faire entrer en résonance ses propres assemblages et de les apparier aux autres compositions dans un objet commun. 

Afin d’affiner et de canaliser ces immenses nuances de charges, il est évidemment nécessaire de passer par la parole dans des temps dédiés afin de confronter les retours sur les essais produits. Le travail de répétition au plateau est donc bien souvent supplanté par des moments d’échange sur ce qui s’est produit dans le moment de l’activité plateau. 

Avec le temps et la pratique personnelle et commune, la composition prend une forme aux contours de plus en plus clairs et l’objet spectacle prend une forme unique et vibrante proche de la communion.




    crédit photo Jean-Jacques La Rochelle

 

Tous les crédit photos non-cités sont attribué à Joseph Kieffer.


No comments:

Post a Comment